Du Haut des Cieux, je me dirige vers mes plus noirs desseins. Le pan de ma toge andrinople traîne sur le sol. Le visage de mes serviteurs se baisse sur mon passage, nourrissant la grandeur de mon ego. Mes pas entrent en écho avec la symphonie de mes pensées. De doux et agréables synopsis se tissent à l'intérieur de mon esprit. Une part de moi aimerait les mettre en pratique maintenant mais l'occasion se trouve repoussée. Devant moi se présente la porte du domaine interdit. Sur son flanc noir se découvre un symbole à peine déchiffrable. Je le caresse du bout de l'index. L'étoile à six branches se dessine, elle brille d'un éclat iridescent. La porte tremble et s'ouvre. Sourire énigmatique sur les lèvres, je m'enfonce au plus profond de mon jardin secret.


La pièce plongée dans la pénombre s'illumine sur mon passage. Mon regard cobalt scrute les peintures qui retracent l'histoire du Monde. Chaque personnage retranscrit les souffrances de l'humanité : guerre, famine, maladie, mort, folie, malédiction, gangrène. Je contemple mon œuvre avec une pointe de fierté. Puis, le temps finit par me presser. Je descends la spirale de marches pour atteindre mon but. D'où je suis, je repère facilement le globe posé sur un piédestal de quartz. À mon approche, il frémit. Je pose mon front sur la surface glacée. Je choisi le diamant de la Terre : Londres. Du cœur vide cristallisé, des images de la vie des hommes apparaissent.


Du plus haut des cieux, je vois leur univers coloré de nuit, leur bâtiment et leur fierté humaine, cette immense horloge au doux nom de Big Ben. Je ne peux qu'en sourire d'ironie. Je m'imprègne de l'énergie de ces êtres qui se baignent malicieusement dans l'alchimie, la science, la médecine, la nécromancie et cette découverte toute neuve : les machines à vapeur. Paupières fermées, je m'ouvre davantage aux forces de l'univers. Je peux dorénavant entendre leurs soupirs lorsque sans pudeur, ils s'enfoncent entre les bras de la volupté. J'imagine les perles salines couler sur la peau. Les tambourinements de cœur qui manquent d'éclater à chaque instant. Sur mon échine, leur souffrance dépose un manteau froid. Leurs prières me percent les tympans.


Faciès renfrogné, voir et caresser les lignes de leur vie ne me suffit plus. J'en désire davantage. Je disparais de mon Palais pour me tapir dans l'âme d'un de mes réceptacles. Nouvellement incarné dans une créature de chair, je marche sans but. L'Azur de mes iris dessine la courbe des architectures humaines. Royal Opera House, British Museum, Mrs Tussaud's Museum : Des noms qui n'ont aucune signification pour moi. Je m'enfonce plus profondément dans la moiteur de la nuit, les mains enfouies dans les poches. Je les ressors avec un objet très intéressant. Je porte à mes lèvres nouvelles un cigare. Le goût du tabac m'apporte un plaisir sans nom. Une petite extase m'emporte.


J'en soupire de plaisir. Je me sens agréablement bien. Pris d'un calme marmoréen, je ne m'emporte pas lorsqu’à l'orée d'une ruelle, je découvre un spectacle affligeant. Une de mes enfants célestes, habillée de guenilles, recueille entre ses lèvres le fruit du pêché. Les doigts du bellâtre tirent sa crinière de feu. De sa bouche ouverte, ses gémissements porcins m'écorchent les tympans. Pris d'une migraine soudaine, je frappe dans mes paumes. Le spectacle cesse. Leur regard mêlé de surprise et d'effroi se pose sur ma personne. Ma fille tremble telle une feuille à demi arrachée des ramures. Elle voit apparaître sous ses genoux la gueule de l'Enfer. Les plaintes des âmes déchues me plaisent.


Des chaînes teintées de pourpre et d'obscur capturent ma douce enfant et l'entraîne au plus profond du Royaume du Diable. À tout jamais, elle portera son fardeau sur ses ailes et sur ses mains le sang de l'homme qui vient de rendre l'âme à mes pieds. Je pince mes lèvres face à la souillure de ma divine semelle. Je me retire. Je me retrouve de nouveau à l'intérieur de mon jardin secret. Je médite sur le sort des êtres humains... Vivre ou Mourir ?


Je décide de laisser le destin choisir pour moi... Mes dernières créations sombreront tôt ou tard. Leur ville est déjà un échiquier géant entre le Ciel et l'Enfer. Nos deux mondes se sont glissés dans leurs vies... Dans le palais de leur Reine... Ils n'ont pas d'autres choix que se rendre ou combattre .... De me revenir... Et de m'offrir leur âme et leur passion... Du haut de mon piédestal, j'attendrais que tout m'appartienne. De magnifiques distractions m'attendent... Et je me sens empressé. Divertissez-moi tous.... que vous soyez humain, démon ou même ange.